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Concours pour les tintinologues

Il y a pléthore d'articles et d'ouvrages sur Tintin qui abordent les sujets les plus divers. Aussi je vous propose un jeu qui surfe dans l'air du temps : concocter un article pertinent sur Tintin.
Seule contrainte : choisir un mot dans la liste. Simultanément, deux autres mots seront tirés au hasard (ou trois si vous cliquez en haut de la liste). L'un des trois mots devra figurer dans le titre (en plus de Tintin) et les deux autres dans le texte. Défense absolue de modifier les mots (par ex en changeant la conjugaison).
La longueur du texte est libre mais il me semble qu'une dizaine de lignes est un minimum...
Bien sûr, les meilleurs seront publiés ici.
À vous lire !
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Texte de Matou :

Mot sélectionné : Absence
Mots tirés au hasard : Costume - Chameau [sur 13500 mots au total]

Tintin et l'absence. L’omission dans l'œuvre d'Hergé

Le chaos et le néant dans l’œuvre d'Hergé ont été mis en évidence par Hermann von Trobben (Le Monocle du colonel Sponz, chez l'auteur, Lille, 2018); La dépression et la folie étudiées par Michel Bataille (Le phénomène de la dépression dans l'univers d'Hergé, chez l’auteur, s.l., 1998]) et Jean Hubinon (Hergé et la folie - Tintin et les médecins, chez l'auteur, s.l., 2001); le bouleversement et la désorganisation habilement mis en lumière par Renaud Rattiez (Tintin dans l'abîme. Hergé anarchiste, manuscrit inédit, La-Valette-du-Var, 2022); le trouble et la confusion expliqués par Philippe Roddin et Philippe Tontaine (Chameau et dromadaire. La cacophonie hergéenne, Moulagaufre, Bruxelles, 2025)... Mais force est de constater qu'un autre grand thème métaphysique est ignoré des études tintinologiques et hergéologiques : le concept d'absence est absent du pléthorique corpus autour de l’œuvre du maître de la ligne claire.
Une multitude d'ouvrages et d'articles abordent la présence au sein de la saga tintinesque : pour se repérer dans le foisonnement présentiel, on renvoie par exemples à l'indispensable série de livres de Patrick Rémand publiés par les éditions Tænia : Le Costume et l'uniforme dans l’œuvre d'Hergé, Les Bestioles et créatures bizarres dans l’œuvre d'Hergé, Pataquès et quiproquo dans l’œuvre d'Hergé, etc. 152 titres au total ou à l'épatant Dictionnaire des ustensiles utiles et inutiles de Virgile Gozmovine, (Castermine, Paris, 2029). Mais où est l'absence ? Le concept a tout simplement été balayé d'un revers de la main par les plus éminents spécialistes de la chose hergéenne : Phlippe Roddin, Benoît Preetest, Dim Marocq ont en effet fait l'impasse sur l'omission ! Seul l'inusable Gobe Barcia évoque légèrement l'absence dans son Qui se souvient de Tintin ? (Escropro, George Town, 2052). Et pourtant "Tout savoir, en effet, est savoir qui implique une représentation d’un non-su qu’il institue dans ce mode même qui le constitue comme savoir", nous rappelle Patrick Nerhot dans La métaphysique de la présence de l’absence (Nimésis, 2014). Cet oubli collectif de la tintinologie nous interroge près d'un siècle après la naissance de cette discipline scientifique : dans le monde de Tintin, ne pas poser correctement cette question (par oubli, étourdie, scotomisation ou omission volontaire) place les tintinologues et hergéologues au pied du mur. Nous ne savons pas tout ! Un pan entier de la discipline reste à construire !

Texte de Ducroquet :

Mot sélectionné : Avant-guerre
Mots tirés au hasard : Stalagmites - Diablement [sur 13500 mots au total]

Avant-guerre : Tintin, Hergé au Petit Vingtième

Chacun sait qu'Hergé prépublia, avant-guerre, les aventures de notre héros dans le supplément jeunesse du "Vingtième Siècle" sous la férule d'un ecclésiastique diablement fascisant, l'abbé Norbert Wallez. Pour accéder au bureau de ce dernier, Hergé devait non seulement passer sous les fourches caudines de la ravissante mais néanmoins vigilante Germaine, la secrétaire du patron (ce qui était loin de lui déplaire), mais aussi se forcer à oser pénétrer dans l'antre de son directeur, qu'il avait du mal à na pas imaginer comme un dragon dans son repaire, non pas entouré de stalagmites, mais encerclé par les portraits dédicacés de Charles Maurras et de Benito Mussolini, ce qui, tout comme la culture et la forte personnalité de l'abbé, ne laissait pas sans l'impressionner, sans parler de sa voix puissante et de sa carrure impressionnante. À chaque fois qu'il entrait dans ce bureau, il se trouvait partagé entre l'honneur qui lui était fait, l'intérêt des propos de son mentor et l'envie de fuir retrouver son compère Jamin dans l'ancienne salle de bains qui leur tenait lieu de bureau, pour se détendre en concoctant quelque nouvelle farce à l'encontre du comte Pérovsky, ou, à la sortie de l'immeuble de la Petite Rue du Nord, se promener en conversant avec Jean Libert ou l'ami Evany.

Texte de JMB :

Mot sélectionné : Cases
Mots tirés au hasard : Effrayantes - Fauve [sur 13500 mots au total]

Les cases inoubliables de Tintin

Notre imaginaire collectif est peuplé d'images tintinesques, impressionnées (au sens photographique du terme) dans notre cerveau d'enfant et donc gravées à tout jamais dans notre mémoire d'adulte. Parmi celles-ci, souvent effrayantes, la momie de Rascar Capac apparaissant à la fenêtre occupe une place de choix, de même que l'araignée géante surgissant devant les yeux horrifiés de Tintin sur l'amas de calystène. Mais nous nous attarderons aujourd'hui sur cette image montrant Tintin, sur les terres luxuriantes du Congo belge, nez à nez avec un lion féroce.
Nous ne sommes pas les seuls à nous en souvenir : Jean-Paul Goude l'avait reprise pour une célèbre réclame vantant une boisson gazeuse ! Ce vis-à-vis entre l'homme et l'animal possède la force des tableaux de chasse si chers à Rubens ou Delacroix où la férocité du fauve sert de révélateur à la bravoure du chasseur intrépide.
La surprise est si grande que nos deux héros semblent échapper à la pesanteur : bien avant Foudre Bénie, Tintin et Milou décollent du sol au mépris de toute loi physique. Même le casque colonial de notre héros semble pris de cette stupeur et s'envole dans l'atmosphère, comme une montgolfère mise en chauffe par l'esprit bouillonnant du petit reporter. Seul l'animal reste bien campé au sol à l'aide de ses griffes puissantes. La carabine ne décolle pas non plus, tout comme les pattes de l'animal : les armes sont donc affûtées de part et d'autre et prêtes à intervenir. Des gouttelettes d'émotion renforcent la surprise et ajoutent une sorte d'incandescence mystérieuse aux protagonistes de cette histoire. Milou ne se contente pas de décoller : il tombe carrément à la renverse ! On sait qu'il accomplira des prodiges lors des cases suivantes : il matera ce lion menaçant en le touchant là où il fut lui-même le plus souvent meurtri : la queue. La case est muette, seul un point d'exclamation remplit l'unique phylactère du dessin, en son centre parfait comme pour mieux diviser la case en deux. Cette division est accentuée par le monticule herbeux situé sous les pieds du héros. Ainsi nous avons cette parfaite division scénique entre l'humain (ainsi que l'animal humanisé) et la bête, que l'on appelle d'ailleurs «roi des animaux», ce qui n'est pas fortuit car Tintin venait page précédente de rencontrer un autre roi : celui des Babaoro'm, raccourci saisissant soulignant les convictions monarchistes de l'auteur. À cette division verticale s'en ajoute une autre, horizontale celle-là, entre le sol pentu et le ciel d'un bleu immaculé. Nos acteurs se détachent sur ce fond tels des ombres chinoises, de profil, dans une pose théâtrale digne d'un bas-relief du haut Moyen-Age. D'ailleurs le mythique lion de Saint-Marc ne trône-t-il pas ainsi dans de multiples tétramorphes ?
Le miracle d'Hergé est à l'œuvre : raconter en une case un véritable roman que des exégètes minutieux n'ont plus qu'à décrypter pour mettre à jour les méandres de la création et les vertiges de l'inspiration.


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