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Les anonymes dans Tintin

C’est la réédition de l’excellent livre de Dominique Cerbelaud (alias Cyrille Mozgovine) qui m'a donné l’idée de rédiger cette étude. En effet, cet ouvrage s’intéresse uniquement aux personnages nommés, ce qui est naturel pour un dictionnaire. Mais que dire de tous ces personnages – et animaux ! - anonymes qui peuvent avoir un rôle important, parfois plus que tel ou tel personnage nommé.
En fait, on peut classer les personnages de Tintin en trois catégories :
les personnages nommés et visibles, cas le plus fréquent.
les personnages nommés et invisibles, par exemple Müsstler.
les personnages non nommés et visibles, qui vont nous intéresser ici.
Si l’on tient compte ou non des dialogues on a six catégories de personnages :
les nommés, visibles et parlants.
les nommés, visibles et muets, par exemple la momie de Rascar Capac !
les nommés et invisibles, toujours muets à ma connaissance.
les non nommés, visibles et parlants, très nombreux.
les non nommés, invisibles et parlants, plus rares.
les non nommés, visibles et muets, c’est-à-dire tous les figurants anonymes.
Bien sûr, ce sont ces trois dernières catégories qui vont nous occuper, car tous ces personnages ne peuvent figurer dans un dictionnaire. Pour simplifier, je fusionnerai les deux premières de ces trois catégories.
J’aborderai chaque album en commençant par les personnages sans nom (visibles ou pas) ayant droit à au moins une réplique, puis je finirai, s’il y a lieu, par les figurants muets.

J’ai recensé 848 anonymes ayant au moins une réplique sur l’ensemble des albums couleur de Tintin. En dresser ici une liste sèche risquerait d’être quelque peu fastidieux, je ne le ferai que pour le premier album, par crainte de lasser. En outre, je ne prétends pas détenir la vérité absolue et je remercie par avance toute personne qui me signalera des erreurs.

Tintin au Congo

Voici dans l’ordre chronologique tous les « parlants » non nommés (Nombre total : 55)
Le journaliste. Que voilà une figure emblématique ! La personne qui souhaite bonne chance à Tintin dans la première case de l’album exerce la même profession que lui et donne le signal de départ des 22 aventures en couleur du jeune reporter ! (p.1 a1)
Les membres d’équipage du paquebot ralliant le Congo :
Le steward (p.1)
Le docteur (12 apparitions entre les p.3 et 8) qui sauve deux fois la vie de Milou !
Un matelot maladroit (p.6 et 7)
Un lieutenant qui stoppe le bateau (p.6)
Le père de Boule de neige (p.9 )
Quatre figurants acclamant Tintin et Milou (p.9)
Trois représentants de journaux américains, anglais et portugais. On ne peut s’empêcher de penser à la vie d’Hergé et ses relations de plus en plus étroites avec d’autres journaux après la disparition du Petit Vingtième. Le représentant portugais est peut-être un clin d’œil à M. Simoes-Müller du « O Papagaio ».
Le garagiste qui lui vend une auto.
Cinq passagers plus le mécanicien du train qu’il a renversé involontairement. Tous louent sa grande ingéniosité !
Le roi des Babaoro’m devant lequel Tintin s’incline respectueusement.
Le guerrier p.23
Le serviteur du sorcier Muganga p.24
Deux auditeurs de l’enregistrement phonographique de Tintin p.26
Deux spectateurs du film de Tintin p.27
Un membre de la tribu reconnaissant p.27
Deux pugilistes p.27
Une femme éplorée dont le mari est malade p.28
Le mari guéri p.28
Le roi des m’Hatouvou p.28, 29 et 30
Un éclaireur Babao’rom p.29
Un membre de la tribu invisible p.29
Le tireur m’Hatouvou p.29
Un chanteur m’Hatouvou p.30
Le père missionnaire p.33, 34, 35, 44 à 46 : c’est, de loin, le personnage non nommé le plus important. Il sauvera même la vie de Tintin.
Les cinq accompagnateurs du missionnaire qui entonnent un chant p.35
Deux élèves p.36
Un pygmée p.50
Le commandant de la police p.52
Le chef de la bande à Gibbons p.52
Un policier noir p.53
Le copilote de l’avion qui lui lance une échelle de cordes (une idée qu’Hergé avait eue primitivement pour une aventure se situant dans le Grand Nord)
Cinq personnages et un chien (!) commentant les exploits de Tintin et Milou p.62

Pour ce qui est des figurants, il faut faire une mention spéciale aux animaux qui ponctuent toute l’histoire, parfois à leur grand dam car certains se font occire !
En voici un inventaire à la Prévert, par ordre d’apparition (123 au total, dont 13 tués par Tintin) :
12 chiens (sans compter Milou !), 1 araignée, 1 perroquet, 1 poisson-torpille, 1 requin, 8 poissons, 1 méduse, 11 moustiques, 11 crocodiles, 10 antilopes, 3 singes, 1 lion, 1 tortue, 2 boas, 2 léopards, 1 éléphant, 1 hippopotame, 2 girafes, 1 rhinocéros, 51 buffles et 1 flamant rose… ouf !
Pour le nombre de buffles, je me suis basé sur la réflexion de Tintin page 59 : « Un buffle, passe encore, mais cinquante, c’est trop, beaucoup trop ! … » On n’en voit qu’une dizaine à l’image.
Pour ce qui est de l’énigmatique flamant rose de la planche 62, on peut y voir une allusion à la Belgique et aux « Flamands » à moins que d’autres tintinophiles aient une meilleure hypothèse.
Parmi les figurants humains, la première vignette de l’album retiendra notre attention : on y voit Hergé lui-même (avec une petite houppe à la Tintin) et ses deux principaux collaborateurs du moment : Edgar-Pierre Jacobs (avec le nœud papillon) et Jacques van Melkebeke (avec les lunettes). Mais nous débordons de notre étude qui consiste justement à nous intéresser aux personnes non nommées !

Tintin en Amérique

Comme pour l’histoire précédente on constate un grand nombre d’anonymes qui parlent (nombre total : 96). Hergé se cherche encore, la famille Tintin n’est pas encore en place et les personnages secondaires surabondent, ce qui renforce encore la solitude de notre héros.
On peut les classer en 6 catégories : les malfaiteurs (21), les policiers (13), les « businessmen » (11), les badauds (15), les Indiens (6) et d’autres personnes de professions variées (30).
Les malfaiteurs, au début de l’histoire, se divisent en deux clans : la bande d’ Al Capone et celle de Bobby Smiles. Puis ils se groupent à la fin en un puissant syndicat sous l’injonction d’un talentueux orateur (p.57).
Parmi ces malfrats, on peut s’étonner que le chef des kidnappeurs ( p.50 et 51) ne soit pas nommé alors que son rôle dans l’histoire est relativement important : c’est lui qui kidnappe Milou ! Pas de nom également pour le gangster qui, peu après, tente de le couler en lui attachant des haltères au pied.
Pour ce qui est des policiers, peu de commentaires à faire sinon que l’un d’eux assomme Tintin gratuitement (p.7). Notons que dans la version noir et blanc la scène est encore plus odieuse : une « bavure » énorme ! Peu à peu, notre héros gagne la confiance de la police, surtout après le beau coup de filet des p.15 et 16, et le chef de la prison s’excuse platement de l’avoir « retenu si longtemps » (p.49).
Les businessmen apparaissent en deux occasions : pour mettre la main sur le pétrole en spoliant les Indiens (p.29). Cette scène est si forte qu’Hergé eut l’idée d’en faire un album dans les années 50, avant le Tibet. Ils interviennent une deuxième fois p.44 après la publicité faite à Tintin par le chef de la police de Chicago : il venait de recevoir Bobby Smiles dans une caisse ! Cette scène n’est pas sans rappeler celle des hommes de presse dans Tintin au Congo.
Les badauds apparaissent en deux occasions également : après l’accident volontaire contre le taxi p.4 puis à la p.37 dans cette autre scène forte où la foule veut lyncher Tintin. Dans les deux cas, les phylactères sont volontairement imprécis.
Pour ce qui est des Indiens, Hergé prend un malin plaisir à les nommer presque tous dans la fameuse scène de la bagarre générale, les anonymes qui parlent n’intervenant que p.26 et 27 ( 3 seulement !). On remarquera que Canard-Enroué est un personnage nommé, visible et… muet !
Pour finir, un mot sur les différents corps de métier qui jalonnent l’histoire, du marchand de glaces (p.8) au speaker de radio (p.62) en passant par le réceptionniste de l’hôtel, le groom, le vendeur de journaux, le tailleur, le maréchal-ferrant, les employés de chemin de fer, le banquier, le shérif alcoolique, les déménageurs et autres employés de maison… tout un petit monde qui nous fait revivre cette Amérique fantasmatique née de l’imagination du jeune Hergé, passablement influencé par ses lectures orientées et les opinions de son mentor Norbert Wallez.
Pour ce qui est des figurants muets, la toute première vignette a une forte charge symbolique : le policier au garde-à-vous devant le malfaiteur… Dans ma jeunesse, je prenais cette image au premier degré !
On notera la diversité des faciès dans la vignette suivante qui montre les crapules aux ordres d’Al Capone. Sacrifiant aux conventions en vogue au cinéma de son époque (qui l’a beaucoup influencé, surtout dans cette histoire comme l’a souligné Philippe Goddin) il faut reconnaître que les gangsters ont tous une belle tête de … gangster !
On a maintes fois signalé le « blanchiment » de la jeune maman p.47 par rapport à la première version, à la demande de l’éditeur américain.
Pour finir, deux figurants retiendront notre attention. Ils sont en p.57 vignette d1 : on voit une jeune starlette blonde, avatar de Mary Pickford dans la première version noir et blanc et, surtout, à côté d’elle, un homme ressemblant étrangement à Rastapopoulos. Mais est-ce bien lui ? Les tintinophiles sont divisés à ce sujet. On remarquera en passant qu’il porte son monocle sur l’œil gauche alors que dans les Cigares du Pharaon il le portera à l’œil droit.

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